Un avant-goût de la croisière en mer de Banda

Vous souvenez-vous de notre première rencontre ? Ce souvenir indélébile, ce moment magique où le temps s’arrête, ce souvenir dont vous n’avez jamais oublié aucun détail ? Pour moi, c’était ma première rencontre avec une raie Manta à Komodo sur Kurang Makassar. Un grand mâle qui s’est arrêté devant nous à moins de 5 mètres et nous a regardés dans les yeux. Un moment de grâce ! Et pour vous, quel est votre moment magique ?

Pour Audrey, directrice de croisière du Jakaré, son moment de grâce fut sa première rencontre avec un requin-marteau : « Cela s’est passé lors de ma première plongée sur l’île de Nusa Laut à Ambon. Parfois, nous pouvons voir des requins-marteaux sur le site de plongée de Tanjung Amed, mais pas si souvent. Nous sommes entrés dans l’eau, les trois invités que je guidais et moi. Au milieu de notre session de plongée, nous avons survolé une crête de sable sous-marine. Celle-ci peut descendre jusqu’à 40-45 mètres. Nous ne pouvions pas voir grand-chose, puis je me suis retournée, et là, elle était devant moi, face à moi. Elle était si proche que je pouvais voir ses petits yeux. Elle était belle, élégante, et ses mouvements n’avaient pas les gestes brusques que d’autres espèces de requins peuvent avoir. Elle était si belle ; je suis tombée amoureuse au premier regard. Puis elle a glissé entre moi et les invités et s’est éloignée comme ça ! C’est fou parce que de profil, elle aurait pu être un requin gris, et quand elle s’est retournée vers moi, mon cœur a bondi dans ma poitrine. »

Requins-marteaux

Requins-marteaux

Il existe neuf espèces de requins-marteaux référencées dans le monde. À Banda, on ne peut en voir qu’une seule : le requin-marteau Halicorne (Sphyrna lewini), qui est malheureusement une espèce en voie de disparition.

Les femelles Halicorne migrent de l’hémisphère sud vers l’hémisphère nord pour rencontrer les mâles et se reproduire. Aujourd’hui, de nombreux mystères entourent encore cette migration. Les scientifiques pourraient avoir une hypothèse sur le lieu de reproduction, mais si c’est le cas, elle est gardée secrète afin de préserver l’espèce.

Dans la mer de Banda, nous pouvons admirer les femelles qui remontent vers l’hémisphère nord. Leur voyage peut durer plusieurs mois, dont un mois et demi à Banda. La principale école de requins compte plus de 200 individus. C’est unique car le requin-marteau Halicorne est connu pour être solitaire ou vivre dans de petits bancs.

Au sein de ce banc principal, des groupes se séparent pour jouer et chasser dans la thermocline. Ces groupes que nous pouvons rencontrer comptent de dix à quinze requins, mais avec un peu de chance, il peut s’agir de groupes d’environ cinquante individus. Les groupes plus petits ne s’éloignent pas trop du banc principal qui nage dans des eaux plus profondes et plus au large.

Il existe des règles strictes au sein des groupes de requins-marteaux, par exemple, le leader est celui qui reste au milieu. Nous pouvons le remarquer car c’est le plus grand requin.

Pour observer les requins-marteaux en plongée, vous devez suivre des règles précises : Tout d’abord, le guide de plongée recherche la thermocline où les requins-marteaux remontent pour se nourrir. Le requin-marteau Halicorne préfère les eaux froides. C’est un chasseur très actif qui utilise ses dents en forme de lame pour se nourrir de poissons osseux, en particulier de sardines et de harengs, ainsi que de petits requins, de céphalopodes, de crustacés (crabes et crevettes), et même de serpents de mer qu’il chasse grâce à un système sensoriel sophistiqué.

Le Halicorne est connu pour être timide et un peu craintif au premier abord : il est donc demandé au groupe de rester ensemble, calme et silencieux. Trop de mouvements et de bruit les effraieront. Essayer de s’approcher trop vite les fera fuir. Les femelles, bien qu’effrayées, sont curieuses et, lorsque les conditions sont bonnes, elles se rapprochent et observent les plongeurs ; elles peuvent même être attirées par le son des bulles une fois rassurées. Il est déjà arrivé à nos plongeurs de se retrouver au milieu d’un petit banc de requins-marteaux curieux. Tout ce que vous avez à faire est de rester calme et d’admirer le ballet qui se déroule autour de vous !

Le port de Banda, un retour en arrière de 400 ans.

Gunung Api

L’arrivée à Bandaneira est magique ! Bandaneira se compose de trois îles principales en forme de croissant de lune. Pour atteindre le port de Banda, le Jakaré pénètre dans le canal entre le volcan Gunung Api à droite et Pulau Neira à gauche.

Le volcan Gunung Api attire principalement les randonneurs. Sa dernière éruption a eu lieu en 1988 et selon la légende locale, il n’entrerait en éruption qu’une fois tous les cent ans. Le Jakaré poursuit sa navigation entre les îles en direction du port de Bandaneira.

Le paysage est majestueux avec à droite le volcan qui s’élève à 640 mètres au-dessus de nos têtes et ses flancs couverts d’une jungle dense et majestueuse. À l’embouchure entre Pulau Neira et la petite île de Pulau Krakra, l’eau du canal reflète les couleurs vertes de la nature et est illuminée par de petites plages de sable blanc ou noir entourées de cocotiers. Tout n’est que contraste et nature sauvage.

L’odeur de la forêt et son humidité nous envahissent ! Et soudain, le port apparaît ! Sa ville avec son architecture coloniale, son fort de l’époque néerlandaise, ses bateaux de pêche kora-kora, les enfants jouant sur les quais se dévoilent à nous. S’ajoutent à cela les chants des oiseaux tropicaux ainsi que ceux de la mosquée. Ça sent bon les arômes, les épices et surtout le doux parfum de la noix de muscade dont les arbres recouvrent le côté de l’île. On a l’impression de remonter 400 ans en arrière et de devenir des pirates… Lorsque nous avons le temps, nous pouvons même prendre le petit-déjeuner dans les jardins des muscadiers.

Le sol volcanique des îles Banda a permis la culture de la noix de muscade, une plante indigène. Parmi les autres produits de l’archipel figurent les clous de girofle, les noix de coco, le manioc, les fruits et légumes, la pêche. Les muscadiers sont très verts. La noix de muscade est un fruit tandis que le macis est la petite peau rouge qui entoure la noix de muscade. On dit que ce sont les petits filaments rouges ou blancs à l’intérieur de la noix de muscade qui sont l’ingrédient secret du Coca-Cola. À l’époque des grandes découvertes de Christophe Colomb et Vasco de Gama, le muscadier était même endémique aux îles Banda. Les Portugais furent les premiers occidentaux à fouler Bandaneira avec l’arrivée d’Antonio de Abreu et ses deux navires à Banda en 1512. Ce fut l’aboutissement d’une quête de 1500 ans pour atteindre ces îles à épices mythiques.

Nutmegs

La moitié de la population de l’archipel se trouve à Banda Neira, capitale et port du district situé sur l’île du même nom. Les habitants de Banda Neira, descendants de Javanais et de Makassar ainsi que des habitants des îles voisines, ont été amenés par les Néerlandais pour travailler dans les plantations de noix de muscade. Lorsque la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (VOC) s’est implantée dans les îles Banda et après avoir chassé les Portugais, des décisions drastiques ont été prises pour contrôler et établir un monopole strict sur la production et la vente de noix de muscade. Les peuples autochtones des îles ont été décimés pour éviter les évasions et des esclaves ont été mis en place.

Fort de Belgique

Vue aérienne d’un fort pentagonal historique sur l’île de Banda Neira, Maluku, Indonésie.

Le fort Belgica, encore visible aujourd’hui, est ce qui reste de la colonisation néerlandaise sur l’île. Ce fort servait à défendre les îles Banda qui, à l’époque, étaient le seul endroit au monde où l’on produisait de la noix de muscade. Construit en 1611 sur ordre du Flamand d’origine belge Pieter Both (d’où le nom du fort), le fort a été rénové et agrandi (tours supplémentaires pour tromper l’ennemi) par Jan Pieterszoon Coen en 1622. Le fort a une forme hexagonale, l’intérieur est une vaste cour intérieure qui donne accès aux remparts. Des canons sont toujours présents. L’accès au sommet des tours se fait grâce à une échelle. La visite est très agréable pour la promenade et la vue depuis le sommet.

Pour les invités du Jakaré, c’est un moment appréciable pour découvrir la population locale et un retour dans l’Histoire mondiale entre de nombreuses plongées magnifiques.

Plongée dans les Îles aux Oiseaux:

Deux des sites de plongée préférés de notre directeur de croisière se trouvent autour de Pulau Manuk et Pulau Suanggi. Le nom de ces îles vient des milliers d’oiseaux qui volent au-dessus. Nous pouvons en effet admirer les grands frégates, quelques Fous à pieds rouges, des Fous bruns, ainsi que des petites frégates, des Phaétons à bec rouge, ou des Phaétons à queue blanche. Toujours en mouvement, volant et chantant… Les îles semblent vivantes et en mouvement.

Comment nommer une île en Indonésie ?

En 2020, on comptait plus de 18 000 îles en Indonésie, qui ont toutes reçu un nom. Alors, comment nomme-t-on une île en Indonésie ?

Pulau Manuk

Prenons l’exemple de Pulau Manuk : Manuk signifie “poulet” ou “oiseau”. Ainsi, Pulau Manuk signifie littéralement l’île aux oiseaux, tandis que Pulau Manukan (l’autre nom de Suanggi) signifie la petite île aux oiseaux.

Selon la langue locale, Suanggi signifie “fantôme de mer”. Son nom vient probablement du fait que de loin, seuls les oiseaux sont visibles et non l’île.

Un autre exemple est Pulau Pisang :

L’équipage a une blague sur le Jakaré : nous disons que, lors de chaque traversée, le Jakaré rejoindra une île nommée Pulau Pisang ou Île de la Banane, à cause des bananiers que nous pouvons voir en arrivant.

Les plongées à Pulau Suanggi :

Pulau Suanggi est une île rocheuse qui protège l’une des plus grandes colonies d’oiseaux d’Indonésie. L’île et sa colonie sont toutes deux protégées par le gouvernement indonésien.

Plongée à Pulau Suanggi

L’île est située à 3 heures de navigation au nord de Banda Neira. Les plongées sont si incroyables que nous prévoyons de nous arrêter à la fois à l’aller et au retour ! Le Jakaré ne jette pas son ancre en premier lieu parce que l’île est protégée, mais aussi parce que cela perturbe la faune sous-marine : jeter l’ancre effraie les requins-marteaux. En conclusion : nous passons la journée à l’aller et au retour et nous faisons trois plongées à chaque fois.

La visibilité est tout simplement incroyable. L’eau est cristalline. Ce sont des plongées avec des courants où les plongeurs “sautent” ou “volent” de pinacle en pinacle puis se “cachent” derrière ces derniers pour se protéger du courant.

Raie Léopard

Les plongées se déroulent à l’ouest de l’île. Tout Suanggi est potentiellement plongeable, mais à l’ouest, il y a un récif corallien avec un champ de collines de corail dur qui est unique. De nombreux poissons et beaucoup d’actions : Carangue géante, Perroquet à bosse, Labre Napoléon, tous les différents types de thon, maquereau… Ils nagent, ils chassent, cela bouillonne de vie. L’île est entourée d’un mur et de pinacles qui tombent à une profondeur de 40 mètres. Le plateau continental n’est pas grand car très rapidement les profondeurs atteignent plus de 300 mètres. Les eaux sont chaudes mais pas dans les célèbres thermoclines où les requins-marteaux reviennent et se retournent pour manger. Cependant, les plongées sont si belles qu’elles valent le coup même sans requins-marteaux. Les coraux sont étonnants et colorés et ils sont la preuve de la santé du récif. Les photographes sont toujours émerveillés par ces plongées et ramènent des photos avec des couleurs contrastées et une telle luminosité.

Malgrés que ces plongées soient pour des plongeurs confirmés : les plongées descendent jusqu’à 35 mètres et le retour se fait à contre-courant dans le bleu et potentiellement en passant par des thermoclines où il fait froid et sombre avec l’éventualité de rencontrer quelques requins-marteaux… Je vous laisse imaginer la montée d’adrénaline.

Plongées à Pulau Manuk

Raie Marbrée

‘C’est fou ! C’est incroyable !’ s’exclame notre Audrey.

Pulau Manuk est une île volcanique toujours en activité, survolée par des milliers d’oiseaux et entourée de plages au fond sablonneux noir et de bancs de barracudas qui s’ébattent à la surface et dirigent leur curiosité vers les plongeurs, une espèce encore peu connue des habitants marins de Pulau Manuk.

La visibilité est tout simplement incroyable, avec un bleu royal pur. Tout est contraste, la nature dans sa plus grande force. Les odeurs ne laissent pas indifférent : il y a un mélange de soufre et de fientes d’oiseaux. Néanmoins, une fois dans l’eau, seule la beauté du site reste.

L’île est située à presque 10 heures de navigation au sud de Bandaneira. Tous les environs de l’île sont plongeables. Audrey a un faible pour Coconut Point : comme son nom l’indique, c’est un point de l’île couvert de cocotiers. Sous la surface, le plongeur navigue au-dessus de nombreuses crêtes sous-marines avec une visibilité allant jusqu’à 50 mètres. L’eau est d’un bleu profond contrastant avec le sable noir et des couleurs incroyables et très variées comme le rose, l’orange et les coraux mous. Le récif est extrêmement vivant et les eaux sont riches en nutriments.

Dans les profondeurs, on peut entendre et ressentir le souffle et la vivacité du volcan. Cela peut être impressionnant.

Serpent de mer

De plus, il y a des serpents de mer… des tricots rayés noir et blanc, fins et petits, et des serpents olive venant d’Australie. Ces derniers sont rayés brun et vert, plus gros que les tricots rayés, ils peuvent atteindre un mètre et demi de long et avoir l’épaisseur d’un bras adulte. Ils nagent seuls ou en groupe. Ils sont très curieux. Bien que venimeux, ils ne sont pas agressifs et il y a très peu d’attaques de serpents enregistrées dans le monde. Néanmoins, une telle rencontre accélère le rythme cardiaque du plongeur et met à l’épreuve sa patience et son calme face à la nature.

Jakare Liveaboard